Dès le début de la conquête spatiale, la Lune devint l’objectif déclaré tant des Russes que des Américains. Les Etats-Unis et l’Union soviétique se livrèrent à une course technologique et idéologique pour tenter d’y poser les premières sondes et d’y amener les premiers astronautes.
1. Une concurrence marquée par deux grandes puissances
L’initiative de l’objectif « Lune » fut prise par les Soviétiques qui deux ans après Spoutnik, le 12 septembre 1959, lancèrent Luna 2 qui fut la première sonde à atteindre la Lune. Un mois plus tard, une autre sonde soviétique, Luna 3, contournait cette fois notre satellite pour retransmettre au monde les premières photographies de sa face cachée.
Du côté américain, le président John F. Kennedy avait annoncé publiquement, lors d’une conférence de presse, qu’il avait décidé d’engager son pays dans la conquête spatiale et qu’à ce titre il s’engageait à ce qu’un astronaute américain pose son pied le premier sur la Lune avant 1970 (voir « We choose to go to the moon »). Battus par l’Union soviétique lors de ces grandes premières, les Etats-Unis rattrapèrent peu à peu leur retard à partir de 1962 : leur sonde Ranger 4 percuta la face arrière de la Lune le 26 avril, et fut suivie par 2 ans plus tard par Ranger 7 qui retransmit plus de 4000 photographies avant de tomber dans l’océan des Tempêtes.
L’Union soviétique reprit l’initiative le 3 février 1966 en posant le premier engin sur la Lune : Luna 9 retransmit à cette occasion les premiers panoramas du sol lunaire.
Mais cette fois, les américains n’étaient plus très loin derrière : en effet, leur sonde Surveyor 1 atterrit doucement sur la Lune le 2 juin, première d’une série de 5 succès qui permettaient aux Américains de maîtriser les techniques d’alunissage, ainsi que d’analyser et de photographier le sol lunaire. Simultanément, la NASA satellisa 5 sondes autour de la Lune en 1966 et 1967 (les Lunar Orbiter) afin de cartographier le terrain en vue de futures missions pilotées.
Parallèlement à leurs sondes automatiques, Américains et Soviétiques se penchaient sur la mise au point d’une fusée géante capable de propulser une cabine habitée de plusieurs tonnes vers la Lune. Alors que les Soviétiques connaissaient des problèmes de mise au point de leur fusée lunaire, les Américains prirent de l’avance et lancèrent leur première fusée géante, Saturn V, le 21 décembre 1968, avec un équipage de 3 astronautes. Le 24 décembre, après un vol de 3 jours, Frank Borman, James Lovell et William Anders furent les premiers hommes à tourner autour de la Lune à bord de leur cabine Apollo, depuis une altitude de seulement 110 km. Cette mission permit de tester la cabine et les techniques de navigation, mais il restait à mettre au point un module d’alunissage pour amener les astronautes de l’orbite sélène jusqu’au sol.

Figure 1 - L'insigne de la mission Apollo 11
Les Soviétiques largués, les Américains lancèrent 2 nouvelles missions : en mars 1969, Apollo 9 testa le nouvel engin en orbite terrestre sous le commandement de l’astronaute David Scott, tandis qu’au mois de mai Apollo 10 s’élança vers la Lune pour une ultime répétition sous la direction du vétéran Tom Stafford. Lors de cette seconde mission pilotée autour du satellite, le module lunaire se détacha de la cabine principale pour répéter les manœuvres de descente à 15 km seulement du sol. Le feu vert était donné pour entreprendre la première tentative d’alunissage : la mission Apollo 11.
2. Deux hommes sur la Lune
Ainsi, après 10 années de préparation, le jour « J » arriva. C’est le 16 juillet 1969 au matin que fût mise à feu Saturn V. Elle portait à son sommet la cabine Apollo 11 occupée par les astronautes Neil Armstrong, Edwin Aldrin et Michael Collins.
La fusée commença par placer en orbite terrestre son troisième étage attaché au train spatial (module lunaire Eagle, la cabine et module de service Columbia). Après quelques heures passées en orbite à vérifier le bon fonctionnement des systèmes de bord, les astronautes mirent à feu le troisième étage pour se propulser vers la Lune, atteignant une vitesse de 40 000 km/h (10 km/s).

Figure 2 - Le module lunaire Eagle en orbite autour de la Lune. Photographie prise par le module de service Columbia
Une fois séparé du troisième étage désormais vide de propergols (carburant), le train spatial entreprit la manœuvre critique de satellisation autour de la Lune. A cette fin, le réacteur du module de service fut allumé à la façon d’une rétrofusée pour ralentir l’ensemble jusqu’à la vitesse requise de 10 000 km/h, assurant sa satellisation sur une orbite circumlunaire à une altitude de 100 km.
Le lendemain, le 20 juillet, débuta la phase d’alunissage : laissant Michael Collins seul aux commandes de la cabine Apollo en orbite, Neil Armstrong et Edwin Aldrin prirent place à bord du module lunaire pour entamer leur courte descente vers le sol. Après avoir allumé leur rétrofusée principale et pilotant avec l’aide d’un radar et d’un ordinateur, ils suivirent une trajectoire idéale pour se poser en douceur au-dessus de la mer de la Tranquillité.

Figure 3 - Buzz Aldrin marchant sur la Lune
Après 7 heures de repos et de préparation, les 2 astronautes revêtirent leurs scaphandres et dépressurisèrent la cabine, ouvrant la porte du module lunaire pour entamer leur marche historique sur la Lune. Neil Armstrong fut le premier à descendre la courte échelle, mettant le pied sur la Lune le 21 juillet 1969 à 20 h 17 min 42 s (temps universel). Ses premiers mots sont restés célèbres : « C’est un grand pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité. ».
Aldrin lui emboîta le pas 20 min plus tard et les deux astronautes passèrent près de 2 heures dans un rayon de 100 mètres autour du module lunaire, mettant en place des instruments scientifiques et ramassant des échantillons du sol. Après avoir réintégré le module lunaire avec leur précieuse cargaison (24 kg de roches), les deux hommes avaient à peine le temps de se remettre de leurs émotions qu’ils devaient déjà se préparer au départ.
Laissant sur place l’étage de descente désormais inutile, les astronautes mirent à feu leur étage de remontée pour s’arracher à la faible gravité de la lunaire et gagner une trajectoire orbitale. Assisté par radar et navigation radio, cet étage accomplit alors son rendez-vous avec la cabine Apollo pilotée par Michael Collins qui l’attendait en orbite. Dans le train spatial reconstitué, Armstrong et Aldrin réintégrèrent la cabine principale et y transférèrent les échantillons lunaires avant de se séparer de l’étage de remontée du module lunaire, devenu lui aussi inutile.
Le vol retour se déroula sans accroc : par la mise à feu de son moteur principal le 22 juillet, le module de service propulsa la cabine Apollo hors de l’orbite lunaire et fit route vers la Terre, atteinte dans l’après-midi du 24 : se séparant du module de service à la dernière minute, la cabine Apollo présenta son bouclier protecteur aux hautes couches de l’atmosphère, abordées à plus de 11 km/s. La décélération brutale, chauffant le bouclier au rouge, ramena la vitesse de la cabine sous Mach 1 en moins d’une minute et, à 3 km d’altitude, 3 parachutes se déployèrent pour poser la cabine en douceur dans les vagues de l’océan Pacifique. Ainsi prenait fin la plus prestigieuse mission de l’ère spatiale.
3. Les autres vols
L’aventure d’Apollo 11 ne fut toutefois qu’un début. Forts de la construction en chaîne de leur fusée et d’un programme ambitieux, les Américains enchaînèrent 6 vols pilotés supplémentaires vers la Lune.
Code mission | Date | Description |
---|---|---|
Apollo 12 | nov-69 | Apollo 12 se distingua par une remarquable opération de navigation cosmique, l'astronaute posa le module lunaire à moins de 100 m du point prévu dans l'océan des Tempêtes, sur les bords d'un cratère où s'était placée 2 ans auparavant la sonde automatique Surveyor 3. Au cours de leur marche lunaire, Pete Conrad Alan Bean retrouvèrent la sonde et en démontèrent une pièce pour la rapporter sur Terre, ils se prêtèrent également à l'installation de nouveaux instruments de mesure et à la désormais traditionnelle collecte d'échantillons. |
Apollo 13 | avr-70 | Apollo 13 fut la seule mission lunaire qui échoua. Alors que le train spatial était en route vers la Lune, l'explosion d'un réservoir d'oxygène dans le module de service décapita le bloc moteur ainsi que l'alimentation en air et en électricité de la cabine. Ce fut uniquement grâce au module lunaire, notamment à son moteur et à ses réserves d'oxygène intactes, que les astronautes purent surmonter l'accident et manœuvrer de façon à prendre une trajectoire de retour vers la Terre. Se séparant à l'instant ultime du module qui leur sauva la vie, les astronautes Lovell, Haise, Swigert orientèrent leur cabine Apollo pour la délicate rentrée atmosphérique et amerrirent sains et saufs après le vol le plus critique de l'histoire du programme spatial. |
Apollo 14 | févr-71 | Après une interruption d'un an pour modifier les systèmes défectueux du module de service, les Américains reprirent leur exploration lunaire avec Apollo 14 qui se posa dans les collines du cratère Fra Mauro. Lors de leurs 2 sorties, les astronautes Alan Shepard et Edgar Mitchell parcoururent à pied près de 4 km à la découverte de cratères d'impact et ramassèrent près de 50 kg d'échantillons. |
Apollo 15 | juil-aoû-71 | Apollo 15 fut l'occasion d'une grande première : après s'être posés au pied des Apennins lunaires en bordure de la mer des Pluies, David R.Scott et James B.Irwin déchargèrent du module lunaire un véhicule électrique à 4 roues motrices, le Lunar Rover, qui leur permit d'effectuer une exploration beaucoup plus poussée du site d'alunissage que lors des missions précédentes. Se rendant à un ancien chenal de lave au pied des montagnes, les astronautes totalisèrent ainsi 27 km de trajet au cours de leurs 3 sorties avec le nouveau véhicule. |
Apollo 16 | avr-72 | La mission Apollo 16 vit John Young et Charles Duke composer le 5eme équipage à se poser sur la Lune pour une nouvelle exploration motorisée : à pied d'œuvre dans les terrains accidentés du cratère Descartes, les 2 hommes recueillirent plus de 100 kg d'échantillons et installèrent une nouvelle station scientifique comprenant sismomètre, magnétomètre et un réflecteur-laser servant à mesurer la distance Terre-Lune au centimètre près. |
Apollo 17 | déc-72 | L'honneur du dernier vol piloté vers la Lune revit à l'équipage d'Apollo 17. A cette occasion, aux côtés du commandant de mission Eugene Cernan, l'astronaute Harrison Schmitt devint le premier scientifique à fouler le sol sélène. Cette ultime mission fut un succès total, les 2 hommes explorant à bord de leur véhicule une large vallée volcanique. |
Depuis ce dernier vol historique, aucun être humain n’est retourné sur la Lune, bien que de nouveaux programmes d’exploration soient à l’étude, tant aux Etats-Unis qu’au Japon. En attendant, les vols Apollo resteront gravés dans les mémoires comme la plus grande aventure humaine de tous les temps.